Mo Baala est né à Casablanca mais a grandi loin de ses parents, dans le sud du Maroc ; cette fracture familiale, Mo Baala l’intégre pour questionner cette subtile problématique d’absence physique et de présence mentale.
L’artiste a toujours dessiné, dès son plus jeune âge. Il a grandit dans la médina de Taroudant entouré de maîtres artisans, gardiens des traditions ancestrales.
Il y exerce de très nombreux métiers mais apprend surtout celui de cordonnier qui lui sert aujourd’hui à découper au ciseau et coller du textile et du cuir ; avec aisance, toutes formes utiles à ses créations.
Immergé dans un monde multicolore de textiles, de broderies, de tissages, de tapis faits mains ; de céramiques anciennes et nouvelles, de sacs et autres articles de cuirs ; l’univers des souks, dont les nombreux matériaux et couleurs, lui servent de source de créativité et d’inspiration.

Le matériel artistique était inexistant à Taroudant ; qu’importe. De cette apparente contrainte, Mo Baala en fait une force et utilise tous les matériaux possibles (cuirs, papier, textile, carton) d’autant qu’il était en début de carrière très influencé par le mouvement Dada.
Les mots sont également très présents dans ses oeuvres nourri de ses nombreuses lectures : philosophie, littérature classique et contemporaine, sociologie, théologie, poésie sont autant de médiums utiles pour sa compréhension des arts et de la vie. Il confie « avoir appris l’importance d’étudier l’histoire de l’art ».

Son travail se caractérise aussi de personnages, silhouettes, sortes de monstres polymorphes, métaphore d’un parcours de vie plus ou moins chaotique. Les motifs décoratifs et symboles sont les marques de fabrique de l’artiste, les oeuvres présentées dans le cadre de cette exposition en témoignent grandement. Dauphins, chameaux, requins, et autres animaux stylisés, abondent, tel une récurrence infatigable, peints, dessinés ou découpés dans la matière. Tableaux, tissus, vêtements recyclés sont autant de supports utiles à son geste ; son inspiration provenant aussi d’Afrique subsaharienne ou de gravures préhistoriques.

Enfin, la musique fait partie de la vie de Mo Baala. Il confie « j’ai grandi parmi les Abid, Gnawa, Daqqa,…
mais également entouré de gens qui écoutaient les Doors, Bob Marley, Pink Floyd, Janis Joplin et Tracy Chapman ».

Ses oeuvres, à l’esthétique inclassable, par l’assemblage d’éléments composites, sont résolument modernes et internationales. Son art est le mouvement d’une pensée complexe issue de son parcours et de ses nombreuses rencontres.
Peut-être, pouvons-nous considérer son travail comme relevant de « l’oeuvre d’art total » ? Ce concept, esthétique issu du romantisme allemand au XIXème siècle, se définit par « l’utilisation simultanée de nombreux médiums et disciplines artistiques, et par la portée symbolique, philosophique ou métaphysique qu’elle détient ».

Incontestablement, son travail est l’expression d’une introspection sensible exprimée au travers de formes et de caractères oniriques. Mo Baala invente son propre langage en utilisant des supports et des codes non-conventionnels. Le foisonnement de ses références fait apparaître une déhiérarchisation des sources.
Son processus créatif utilise de nombreuses techniques, matériaux et s’inspire de ses rencontres littéraires, humaines, artistiques. Les juxtapositions de formes, de couleurs sont d’une puissance qui ne peuvent laisser indifférent.

Mo Baala se joue des mots, des lignes et des points, crée des formes et des textures pour inventer son propre langage et nous délivre des messages d’une portée universelle. Il peut passer des heures à vous présenter chacune de ses oeuvres précisément pensées et inspirées de ses rencontres.
Comme il aime le dire « les enfants peuvent aimer mon travail mais les enfants ne peuvent faire mon travail ».

Olivier GALAN
Directeur des Instituts français
de Tanger et Tétouan, 2021

Site : https://www.latelier21.ma/artists/49-mo-baala/biography/

Extrait de ENTRE LA CATASTROPHE ET LA JOIE Technique Mixte (collage, encre de chine, peinture et feutre acrylique), 2022